mercredi 13 mars 2024

La Trilogie de Corfou

 

La famille Durrell, qui vient par ailleurs de rentrer d’Inde, décide de fuir la grisaille britannique pour aller s’installer à Corfou. Nous sommes en 1935 ; Gerald a 10 ans, et il est le cadet d’une famille fantasque composée de l’ainé, Lawrence, dit Larry, qui n’est autre que le futur auteur du Quatuor d’Alexandrie, de Lesli, et Margot. La famille débarque au milieu d’une nature intacte, sur une île très peu peuplée.

Gary raconte dans ces trois volumes, réunis plus tard en un seul son enfance loufoque et totalement libre qui va sceller sa vocation de naturaliste. En effet, aidé par Théodore, érudit, poète, mentor, et à l’occasion précepteur. Avec Roger le chien, Sally l’ânesse, Gary explore l’île de fond en comble et se prend de passion pour une quantité infinie d’animaux. On y croise absolument de tout.

Il est donc question de tout cela dans ces souvenirs d’enfance, écrits sans aucune chronologie. Il faut reconnaitre à l’auteur les qualités de son écriture : soignée, élégante, souvent humoristique, parfois jubilatoire. Et pourtant, contrairement à une majorité de lecteurs, je me suis souvent ennuyée au cours de ma lecture. Les chapitres, relatant chaque fois une nouvelle expérience animalière de Gerald, tout en brossant méticuleusement le portrait de sa famille, m’ont souvent semblé assez indigeste tant ils sont détaillés.

Je ne regrette pas la lecture de cette trilogie, présente depuis longtemps dans ma bibliothèque, mais j’étais assez pressée d’en voir le bout afin de passer à autre chose !

La trilogie de Corfou de Gerald Durell, traduit de l’anglais par Cécile Arnaud et Léo Lack aux éditions de la Table Ronde (1030 pages  pour l’ensemble des 3 volumes publiés en 2014  ;Mai 2023,880 pages pour l’intégrale)

 Gerald Durrell (1925-1995) est né en Inde. Frère cadet du romancier Lawrence Durrell, il a consacré sa vie à la défense des espèces animales en voie de disparition. La création du zoo de Jersey et du Durrell Wildlife Conservation Trust, ses livres truculents et ses séries d’émissions télévisées l’ont rendu mondialement célèbre. Le récit de son enfance en trois volumes, La Trilogie de Corfou, a paru aux éditions de la Table Ronde en 2014 et a été adaptée en série télévisée diffusée en France en 2017 sous le titre La Folle Aventure des Durrell.

dimanche 10 mars 2024

Miniaturiste

 

J’aurai donc longtemps tourné autour de ce roman, qui a eu grand succès à sa parution. C’est sans doute un peu pour cela que j’ai tant hésité, et maintes fois remis à plus tard sa lecture ; mais surtout par sa réputation de roman d’atmosphère, moi qui d’ordinaire n’aime pas trop cela, et préfère quand cela bouge un peu…

Les bibliothécaires ont donc eu raison d’insister, de le laisser bien en avant avec ses petits cœurs collés sur la couverture, histoire de bien montrer, si l’on pouvait encore douter, qu’il était très bien, qu’elles l’avaient beaucoup aimé !

Et bien, moi aussi, je l’ai beaucoup aimé ! Et même que son atmosphère un peu spéciale ne m’a même pas rebuté ; je dirais presque que ce roman m’a envouté ; c’est dire !

Nous sommes à Amsterdam, et l’action se passe entre 1686 et 1687, en plein siècle d’or néerlandais ; ville de riches marchands, de belles demeures familiales…

Petronella, Nella pour les intimes, est une jeune fille assez pauvre, orpheline de père ; elle quitte sa province pour épouser Johannes, un riche marchand beaucoup plus âgé qu’elle, souvent absent, mari assez peu concerné par son épouse qui attend désespérément l’amour et l’affection. A la place elle reçoit une étrange maison de poupée à l’image de sa maisonnée qu’elle occupe avec Marin, la sœur de son mari, et deux domestiques Otto et Cornelia.

Cette maison de poupée existe, elle est exposée au superbe Rijksmuseum, et a naturellement inspirée l’auteur dans la conception de son roman construit bien entendu autour du mystère qui entoure cette maison qu’un étrange Miniaturiste anime.

Nella comprend assez mal le fonctionnement de cette famille Brandt. Sa belle sœur l’ignore, la rudoie souvent ; son mari la délaisse…le Miniaturiste va peu à peu lever le voile qui entoure cette famille, et les mœurs en vigueur à l’époque. Il faut bien se remettre dans le contexte rigoriste d’une société imprégnée de calvinisme, laissant peu de place aux femmes, et à la diversité. Et pourtant, Nella nous apparait comme une féministe avant l’heure, une femme bien décidée à gagner en liberté et à s’émanciper alors que rien ne lui est épargner.

Jessie Burton de par son écriture, ses descriptions parfaitement documentées, son sens de la narration, parvient à restituer le contexte historique de ce roman et lui donne une allure fantastique que j’ai beaucoup appréciée. Je me suis laissé porter par la lenteur et la magie qui émane de cet opus, passionnant, original et brillant. Il me tarde de lire la suite….

Miniaturiste de Jessie Burton, traduit de l’anglais par Dominique Letellier, aux éditions Gallimard (Mars 2015,501 pages ; 2017,506 pages pour la version poche)

Jessica Kathryn Burton est une écrivaine et actrice anglaise.

Elle a étudié l'anglais et l'espagnol à l'Université d'Oxford, puis a poursuivi ses études à la Central School of Speech and Drama à Londres. Elle devient comédienne pour le théâtre et la télévision. Jessie Burton a joué en 2008 au National Theatre de Londres dans "The Hour We Knew Nothing of Each Other" (L'Heure où nous ne savions rien l'un de l'autre) de l’auteur allemand Peter Handke.

En 2014, elle publie son premier roman "Miniaturiste" ("The Miniaturist"). Situé à Amsterdam en 1686-1687, le roman est inspiré par la maison de poupée de Petronella Oortman (1656–1716), aujourd'hui au Rijksmuseum, bien qu'il ne s'agisse pas d'un roman biographique. L'auteure a mis quatre ans pour l'écrire.

Devenu best-seller international, il a obtenu de nombreux prix dont le Specsavers National Book Awards 2014 : Livre de l'année. Depuis 2016, le livre s'est vendu à plus de 1 million d'exemplaires dans 37 pays. Il a été adapté en mini-série par la BBC en 2017, avec Anya Taylor-Joy dans le rôle de Petronella "Nella" Brandt.

Son second roman, "Les filles au lion" ("The Muse", 2016) a été nommé pour les Books Are My Bag Readers' Awards 2016. L'action se situe à la fois durant la guerre d'Espagne (1936-1939) et dans le Londres des années 1960.

Jessie Burton s'inspire du conte "Le Bal des douze princesses" des frères Grimm pour écrire une version intitulée "Douze Princesses rebelles" ("The Restless Girls", 2018), son premier roman pour la jeunesse, qui s’inscrit volontairement dans le courant féministe. "Medusa" (2021) est son deuxième livre jeunesse.

"Les secrets de ma mère" ("The Confession", 2019), son troisième roman pour adultes est suivi de "La Maison dorée" ("The House of Fortune", 2022).

jeudi 7 mars 2024

Et devant moi, le monde

 

Qui connait Joyce Maynard, sait qu’elle a une vitalité extraordinaire, une appétence pour la vie qui frise la boulimie. Elle met ses lecteurs à l’aise parle aisément d’elle sans trop tourner autour du pot. Et pourtant il lui aura fallu un quart de siècle pour parvenir à parler via l’écriture d’un des épisodes les plus irréalistes et douloureux de sa vie.

A peine âgée de dix-huit ans, étudiante à Yale, le très célèbre New-York Times publie dans ses pages un article qu’elle venait d’écrire et d’envoyer. Lu et visiblement apprécié par le non moins célèbre J.D Salinger, de trente -cinq ans son ainé, ce dernier la contacte par écrit pour lui dire tout le bien qu’il pensait de son article et plus généralement de son écriture. S’en suit une correspondance abondante débouchant sur une vie commune de quelques mois. Pour lui elle abandonne Yale, se coupe de ses amis… L’idylle ne durera que quelques mois. Joyce Maynard se fait congédier comme une malpropre, de manière lapidaire, et surtout méprisable et méprisante.

C’est cette histoire que nous présente ici, de manière linéaire et réaliste. L’histoire avec J.D Salinger occupe finalement assez peu de place. Joyce Maynard évoque longuement son enfance entre un père poète et alcoolique et une mère qui n’a vécu que pour le succès de ses filles et notamment Joyce qui lui doit sans aucun doute son amour de l’écriture, et de la correspondance. La période qui a suivi sa violente rupture avec Salinger est pour Joyce Maynard une succession d’années agitées durant lesquelles elle a travaillé dur pour se faire un nom, se reconstruire, et envisager une vie personnelle et familiale. Elle en parle sans fard, mais avec l’exigence d’honnêteté qu’elle s’impose dans un esprit de crédibilité vis-à-vis de ses enfants.

C’est peu dire que cet ouvrage a été mal accueilli tant par l’intéressé en particulier, que par le monde littéraire en général.

Certains y verront un déballage impudique, d’autres une épreuve de vérité, une confrontation de l’auteur avec son passé et une façon de passer à autre chose. Au moment où elle a écrit ce récit (1998 en langue originale), il fallait un certain courage pour d’une part s’attaquer à un mythe comme Salinger avec tous les risques de procès qu’elle encourrait, et d’autre par avouer publiquement d’avoir été durant quelques mois dans une forme d’emprise, d’avoir cru en quelqu’un et de s’être laissé dévaster de la sorte.

Entre qui me concerne, j’ai beaucoup apprécié cet opus qui me permet de mieux comprendre l’œuvre romanesque de l’auteur, tout ce qu’elle fait en parallèle autour de la thérapie par l’écriture.

Et devant moi, le monde de Joyce Maynard, traduit de l’américain par Pascale Haas aux éditions Philippe Rey (2011,462 pages) ; 10/18 (2012,504 pages).


Joyce Maynard est une écrivaine américaine, autrice de nombreux romans et essais.

Son parcours d'écrivaine commence véritablement en avril 1972. Elle est alors étudiante à l'Université Yale, lorsque le prestigieux New York Times Magazine publie son article intitulé "An 18-Year-Old Looks Back on Life" (Une fille de dix-huit ans se retourne sur sa vie).

À la suite de cet article, elle commence une correspondance abondante avec l'écrivain J. D. Salinger (1919-2010), puis, en 1972, à l'âge de dix-huit ans, commence une relation amoureuse avec lui, relation qui la marquera profondément. En 1998 elle l'évoquera dans son récit autobiographique "Et devant moi, le monde" ("At Home in the World") avec beaucoup de retenue.

Elle publie son premier roman, "Baby Love", en 1981. En 1992 paraît son roman "Prête à tout" ("To Die For") qui connaîtra un grand succès. Il sera adapté au cinéma par Gus Van Sant en 1995 dans le film du même nom.

En 2009, un autre de ses romans connaît un grand succès, "Long week-end" ("Labor Day"), comédie douce-amère sur un jeune homme et sa mère qui voient leur existence bouleversé le jour où ils sont abordés par un évadé. Le roman sera adapté au cinéma en 2013 par Jason Reitman sous le titre "Last Days of Summer", avec Kate Winslet et Josh Brolin.

En 2013, elle publie "L’homme de la montagne" ("After Her") qui obtient un beau succès, il sera finaliste du grand prix des lectrices Elle 2015. En 2019 De si bons amis.

Elle reçoit le Grand Prix de littérature américaine 2021 et le Prix de Madame Figaro - Grand prix de l'héroïne - Roman étranger 2022 pour "Où vivaient les gens heureux" ("Count the Ways", 2021), fiction d'inspiration autobiographique.

Joyce Maynard a été mariée avec Steve Bethel de 1977 à 1989. Ensemble, ils ont eu trois enfants dont l'acteur Wilson Bethel (1984).

En 2013, elle épouse l'avocat Jim Barringer qui décède d'un cancer du pancréas en 2016. Elle retrace ces années passées avec lui dans "Un jour, tu raconteras cette histoire" ("The Best of Us", 2017).

Elle vit à San Francisco.