mardi 29 octobre 2013

Kinderzimmer


Parler de coup de cœur, me semble ici déplacé, compte tenu du sujet. L’histoire que je viens de lire tient davantage du coup de poing reçu en pleine face.

Parler des camps, quand on n’y est pas passé peut relever de la provocation, de l’imposture, ou du voyeurisme.

Dans ces lieux de mort,  se cachaient d’infimes parcelles de vie , où ces petits corps arrivés là par miracle étaient de petites bulles d’espoir pour ces femmes, et ces mères qui n’en avaient plus guère.

Accompagnons Mila, arrivée là avec sa cousine Louisette, sous l’étiquette de prisonnière politique.

Vivons, au présent cette déshumanisation progressive et cet acharnement viscéral à donner la vie ici, et surtout à préserver ces petits êtres de l’innommable.

Ce qui frappe, c’est le vocabulaire. D’abord, il est axé sur le corps, comme souvent dans l’œuvre de Valentine Goby. Ces corps que l’ont « voit «  dépérir de jour en jour, ces corps souillés, violentés, et délaissés. Ces corps qui ne sont plus que douleur et crasse.
Valentine Goby n’épargne pas son lecteur. Elle mobilise tous ses sens pour qu’il ne s’éloigne à aucun moment de ce cloaque à ciel ouvert.

L’écriture se veut précise, saccadée, hachée. La tournure des phrases est sans cesse en changement ; le présent utilisé donne une sorte de mouvement qui maintient là le lecteur ; surtout ne pas le détourner, ne lui laisser aucun répit…

Un livre coup poing, qui ne se laissera pas oublier de sitôt. 


Kinderzimmer, Valentine Goby
Aces Sud, Août 2013
220 pages
Prix des libraires 2014 ( édit du 14/05/2014)

Pour le challenge d'Asphodèle: Prix des libraires 2014


4ème de couverture :

Je vais te faire embaucher au Betrieb. La couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise. D’accord ?
– Je ne sais pas.
– Si tu dis oui c’est notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.
Mila se retourne :
– Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que tu veux ?
– La même chose que toi. Une raison de vivre.

En 1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires individuelles.

A propos de l’auteur :

Valentine Goby est née en 1974. Elle est notamment l’auteur de L’Échappée (Gallimard, 2007), Qui touche à mon corps je le tue (Gallimard, 2008), Des corps en silence (Gallimard, 2010) et Banquises (Albin Michel, 2011). Elle écrit également pour la jeunesse. Kinderzimmer (Actes Sud, 2013) est son huitième roman.

 

3 commentaires:

  1. J'au eu la même réaction que toi car je trouvais que le terme coup de coeur était déplacé vu le sujet.. mais c'en est un !

    RépondreSupprimer
  2. Elle est vraiment superbe ta chronique. Et je suis ravie que tu ais aussi bien défendu ce livre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sans doute que je relirai ce que j'avais lu d'elle; J'appréhende mieux son écriture, me semble t-il.

      Supprimer