samedi 28 septembre 2013

L'enfant méduse

Il y a plusieurs manières de parler de l’inceste ; Sylvie Germain  a choisi d’emprunter le langage du conte, et une écriture riche et lumineuse pour accompagner la détresse et la solitude d’une enfant.

Lucie (étrange coïncidence de ce prénom porteur de lumière, avec la scène inaugurale que décrit Sylvie Germain, très belle) a huit ans ; elle est arrivée dans sa famille un peu par hasard, à la faveur d’un remariage de sa mère qui voue un culte à son Epoux décédé, héros de la guerre, et à son petit Roi-soleil de fils. Pour Aloïse, le monde s’arrête là. Lucie, doit s’en accommoder. Il y a  son ami Louis –Félix, l’astronome en herbe, son jumeau, il y a la nature, les marais, les crapauds, ce père effacé et ignoré de sa femme qui se réfugie dans son garage pour converser avec le monde entier.
Et puis il y a l’ogre, ce  salaud silencieux qui tue au propre comme au figuré.

« Du jour où l’ogre a fait main basse sur elle, plus jamais Lucie n’a connu la vraie joie. La première chose que dévora l’ogre en elle, ce fut précisément la joie. »

Lucie à sa manière va lutter, prier, se taire, s’enfermer, s’isoler, souffrir. Mais Lucie, c’est un trésor de force intérieure, et de pardon.

« Elle a enfin retrouvé le goût de voir par-delà la honte et la frayeur. Elle a reconquis un regard, et cela avec une force inespérée car elle l’a redressée loin des humains, tant adultes  qu’enfant ; elle l’a reconquis auprès des bêtes et des bestioles les plus déconsidérées, sinon réprouvée. »

La prose de Sylvie Germain est incontestablement belle, imagée, riche, pléthorique, exubérante. Elle passe très bien ici, parce que ce vocabulaire est au service d’une histoire, d’un sujet, d’un personnage. En revanche je ne suis pas certaine que dans un registre plus imaginaire, j’y sois plus perméable.

Cette écriture chargée, trop sans doute pour celles et ceux que la sobriété attire davantage, vaudra pour moi un usage parcimonieux pour continuer à apprécier à sa juste valeur  cette plume singulière .

L’enfant méduse, Sylvie Germain
Gallimard, Mars 1991 / Folio, Septembre 1993
320/288 pages



4ème de couverture :

Une petite fille, Lucie Daubigné, vit une enfance paisible et heureuse dans un village du Berry, au cœur des landes et des marais peuplés d'oiseaux, d'insectes, de crapauds et de fées invisibles. Les voix des bêtes, du vent et des légendes restées vivantes tissent le chant de la terre. Un chant plein de douceur.
Mais le calme bonheur du lieu et de l'enfance est soudain brisé. Un ogre rôde dans le pays, avide de corps de petites filles. La douleur et le deuil se lèvent sur son passage. Lucie devient la proie de l'ogre. Mais, si celui-ci ne la tue pas, comme ses autres victimes, il détruit peu à peu en elle l'innocence, la joie de vivre, l'amour et la bonté. Lucie, rongée par son secret de honte et de souffrance, se transforme en une créature maigre, laide et haineuse. Elle s'ensauvage. Le chant de la terre devient un chant de guerre et de vengeance. Armée de la seule force de son regard, l'Enfant Méduse entreprend le combat contre l'ogre. Lucie vaincra, mais ni la paix, ni l'innocence ne lui seront rendues. La douleur, la violence et la haine ont pris trop profondément racine en elle. Il faudra longtemps à Lucie, très longtemps, pour réapprendre à vivre en paix avec le mal, avec les autres et elle-même...


 La ronde des "auteurs français" chez Tête de litote .

1 commentaire:

  1. Je n'ai pas lu ce livre de Sylvie Germain. Je le note même si le sujet est un peu difficile.

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