mardi 26 mars 2013

Le bruit des trousseaux


« Il y a beaucoup de mensonges en prison, mais ils sont moins grave qu’ailleurs car ils sont essentiels. On ment pour exister un peu plus, on se ment pour continuer à se supporter  »

Enseignant de formation, Philippe Claudel a durant11 ans, pris 3 fois par semaine le chemin de la prison pour y exercer son art. Pas n’importe quelle prison…la mienne…enfin celle de ma ville, Charles III….. Un nom qui raisonne en moi comme le stade ultime si je n’étais pas sage. « Si tu ne veux pas finir à Charles III, tiens- toi à carreaux, me disait-on souvent » Un endroit devant lequel je suis passée chaque jour, parce que sur mon chemin, tout simplement ; un endroit qui n’est plus, mais dont le fantôme est encore bien présent….
Bref un endroit où personne ne rêve d’aller (sauf une de mes copines, mais ça c’est une autre histoire !!!)
La prison, lieu de toutes les misères, lieux où se croisent petits malfrats, comme les assassins, ou les trafiquants, lieux où vivent des hommes et des femmes, et même enfants, lieux de vie, tout simplement.
Philippe Claudel livre de manière libre, et dispersée réflexions, expériences et anecdotes de ses années où il allait à prison apporter un peu d’autre chose, écouter, aider.

« Je sais qu’en moi, profondément, je n’ai jamis pu me persuader de la réalité des crimes commis par les détenus que je rencontrais chaque semaine. Peut-être moi aussi avais-je besoin de m’arranger avec cette réalité pour continuer à vivre, à venir en prison, à être dans ce lieu, à y passer des heures. Tout était ainsi amorti par une distance quasi cinématographique. Je rejetais l’horreur de l’autre sur un écran. »

C’est avec une certaine distanciation qu’il y va, sans juger, mais conscient de ses limites.
Le côté brouillon de ce récit laisse penser à une sorte d’urgence d’écrire et de se souvenir des hommes croisés durant ses années.
Cette  expérience humaine au milieu de l’inhumanité carcérale se lit rapidement, mais s’imprime durablement dans la mémoire.

Je laisse à Philippe Claudel le dernier mot…. « Ce peut être un témoignage ou, plus exactement, un faux témoignage, car il me manque quelque chose d’essentiel pour parler de la prison, c’est d’y avoir passé une nuit. Je ne sais pas au fond si l’on peut parler de la prison quand on y a jamais dormi. »


Le bruit des trousseaux, Philippe Claudel
Stock (Janvier 2002)/Le livre de poche (Décembre 2003)
98/118 pages


4ème de couverture :

« Le regard des gens qui apprenaient que j'allais en prison. Surprise, étonnement, compassion. "Vous êtes bien courageux d'aller là-bas!" Il n'y avait rien à répondre à cela. Le regard me désignait comme quelqu'un d'étrange, et presque, oui, presque, quelqu'un d'étranger. J'étais celui qui chaque semaine allait dans un autre monde. Je pensais alors au regard qui se pose sur celui qui dit : "Je sors de prison." Si moi, déjà, j'étais l'étranger, lui, qui était-il pour eux ? »


L'endroit en question, en 2009, année du transfert des détenus au nouvel établissement pénitentiaire.
 Aménagée en 1857 dans un ancien couvent, elle était lors de sa fermeture en juin 2009, l'une des plus vieilles (et vétustes) de France. 350 détenus l'occupaient alors pour 259 places.
 Depuis les bâtiments ont été rasés , et devraient laisser place à un éco-quartier.

3 commentaires:

  1. Ainsi tu as aimé, je m'en doutais

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  2. Je ne connaissais pas ce titre, je le note.
    Merci pour ta critique.

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  3. J'aime beaucoup la plume de Philippe Claudel. Je garde un souvenir fort de ses livres "Les âmes grises" et "La petite fille de Monsieur Linh". Il est en dédicace à Metz jeudi prochain. Je vais essayer d'y aller. Ton billet me donne envie de lire ce livre, alors que le thème ne m'aurait pas attiré de prime abord.

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