dimanche 22 juillet 2012

Les visages écrasés


« Parce qu’un salarié ne se suicide pas directement à cause d’un chef trop zélé ou d’un collègue harceleur. Cela ne suffit pas. La souffrance nait de la disparition progressive de tous ses minuscules espaces de liberté nécessaires et vitaux sur lesquels le top management rogne pour accroître les marges de productivité. »

Avertissement !! Vous tenez dans les mains une bombe qui tôt ou tard va vous exploser au visage, va vous entrainer inexorablement au bout de l’enfer, et vous laisse KO, la tête en vrac. Bienvenue dans l’entreprise où il ne fait vraiment pas bon aller travailler….mais, quand il faut….
C’est Carole Matthieu qui nous prend la main, et nous fait visiter les coulisses pas très reluisantes d’une entreprise pas comme les autres…encore que…
Carole, est médecin du travail. Elle s’est engagée corps et âme auprès de ses patients ballotés, harcelés, violés, brimés, au bout du rouleau, et à qui il ne reste le plus souvent pas d’autre alternative que d’en finir. Au  péril d’elle-même, armée de son seul désir de vérité, et de respect de la vie humaine, elle se bat seule contre tous, à sa manière…
« Ils sont comme des enfants de cinq ou six ans, incapables de me cacher le moindre de leurs secrets. Je suis certainement le seul lien humain qui existe entre eux et personne ne s’en est jamais aperçu. Je suis leur confidente, leur mère, leur réceptacle, leur fosse à purin, leur objet de fantasme en même temps que la prostituée sur laquelle on s’épanche pour ne pas sombrer. Parfois tout cela à la fois.
Je suis le dernier recours.
L’extrême –onction. »

De page en page, nous apprendrons à cerner la personnalité de Carole, qui se laisse déjà appréhender par un vocabulaire et une syntaxe peu adaptée à un médecin…seulement voilà, ce style est parfaitement adapté à ce qu’elle est et surtout à son mode de vie dont je ne dirai pas un mot ; à vous de le découvrir !!!
Carole décide de frapper un grand coup, de mettre chacun en face de ses responsabilités. Et, elle ne lésine pas sur les moyens. C’est avec elle que nous, suivront sa propre descente aux enfers à un rythme effréné que seuls les rapports d’expertises médicales judicieusement répartis permettront au lecteur de reprendre un peu de son souffle.
Ce rythme est entretenu par une narration au présent, qui place les choses en temps réel. Il est impossible de lâcher ce livre. Marin Ledun s’empare du thème de la souffrance au sein de l’entreprise, et de ses conséquences désastreuses. Il  en dresse un tableau plus noir que noir, sans aucune concession, qui fait froid  dans le dos, et qui malheureusement n’est pas très éloigné de la vérité sur le terrain. Ceci est le reflet dérangeant de ce que sont devenues, sans pour autant généraliser, les relations professionnelles. La course effrénée aux profits, à la rentabilité, la recherche du meilleur rapport qualité –prix  nous rend tous, et toutes plus ou moins complices.
 
Les visages écrasés, Marin Ledun
Seuil (24 Mars 2011)/ Points Thrillers (24Mai 2012)
Sélection2012 pour le meilleur polar des lecteurs Points
320/400 pages


4ème de couverture :
Objectifs inatteignables, management à la menace, restructurations et mises au placard… Personne ne connaît ça mieux que moi. Vincent Fournier, salarié d’un centre d’appels au bout du rouleau, m'a tout raconté avant que je ne mette fin à ses souffrances. C'est mon boulot, je suis médecin du travail. Écouter, rassurer, alerter la direction. Et soigner. Avec le traitement approprié, quel qu’il soit.
A propos de l’auteur :
Né en 1975, Marin Ledun est romancier. Il a déjà publié sept romans noirs, dont Modus Operandi (prix Plume libre 2008), La Guerre des vanités (prix Mystère de la critique 2011) et Zone Est.




Pour la challenge de  Liliba.


3 commentaires:

  1. Il me tente vraiment bien, celui-ci !

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  2. C'est vraiment tentant. Merci pour ce beau billet, je prends note ;)

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  3. Déjà repéré chez je ne sais plus qui, et mis dans ma LAL !

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