vendredi 6 août 2010

Corps et âme



A New York, dans les années quarante, un enfant regarde, à travers les barreaux du soupirail où il est enfermé, les chaussures des passants qui marchent sur le trottoir. Pauvre, sans autre protection que celle d'une mère excentrique, Claude Rawlings semble destiné à demeurer spectateur d'un monde inaccessible. Mais dans la chambre du fond, enseveli sous une montagne de vieux papiers, se trouve un petit piano désaccordé. En déchiffrant les secrets de son clavier, Claude va se découvrir lui-même : il est musicien. Ce livre est l'histoire d'un homme dont la vie est transfigurée par un don. Son voyage, à l'extrémité d'une route jalonnée de mille rencontres, amitiés, amours romantiques, le conduira dans les salons des riches et des puissants, jusqu'à Carnegie Hall... La musique, évidemment, est au centre du livre - musique classique, grave et morale, mais aussi le jazz, dont le rythme très contemporain fait entendre sa pulsation irrésistible d'un bout à l'autre du roman. Autour d'elle, en une vaste fresque foisonnante, Frank Conroy brosse le tableau fascinant, drôle, pittoresque et parfois cruel d'un New York en pleine mutation.

A la fermeture de ce livre, je me retrouve identique à la dernière note d’un concert fabuleux : hébétée, les bas en l’air, incapable d’applaudir tellement ce fut beau et bon. Quelqu’un disait qu’après Mozart, le silence qui suivait était encore du Mozart……….l’après de ce livre est encore le livre.
L’écriture se déroule tel un legato, sans rupture ni temps mort ; l’intensité est modulée au gré des mots et des chapitres.
Les pages s’enchainent, tel un mouvement perpétuel dans lequel le lecteur rentre, sans y éprouver la moindre lassitude, aucun mot de trop, aucune longueur. Tout y est intense, concentré, fort.
Je me souviens particulièrement du passage lorsque Claude déchiffre le concerto pour 2 pianos de Mozart…………..j’en entendais presque les notes………frustrée tout de même de pas avoir l’enregistrement à portée de main pour m’accompagner.
La musique est omniprésente, tel un personnage à part entière. Elle fait corps avec Claude Rawling.
« Aussi singulier ou mystérieux que fût l’environnement (…), où qu’il se trouvât, dès qu’il s’asseyait au piano, le monde qui l’entourait n’avait simplement plus d’importance. Sa relation physique avec le piano était immuable. Tout le reste était là. Ses repères étaient là » p 210
Les références musicales sont nombreuses, sans élitisme. Même non averti dans le domaine, le lecteur ‘y retrouvera.
Quel bonheur de se promener avec Mozart, Chopin, Bach, mais aussi les plus grands jazzmen de l’après guerre……
En dehors de la musique, l’auteur a su donner de la consistance à son autre personnage clé du roman Claude Rawling. Nous faisons la connaissance d’un jeune garçon, pauvre, un peu livré à lui-même, qui vit avec une mère fantasque dans le New York bouillonnant des années 40.Son destin était tout tracé………….sauf qu’à New York, dans ces années là, pour peu que l’on soit un peu ambitieux, et travailleur, tout était possible. Si l’on rajoute à cela un petit coup de pouce du destin, la confiance d’un voisin dans lequel Claude va trouver le père manquant, l’avenir s’ouvre en grand devant lui. Un prodige, très vite conscient de ce qu’il est, va prendre le lecteur et l’accompagner dans son ascension musicale, et sociale ; dans sa vie d’homme, avec ses joies et ses meurtrissures, ses secrets.


Assurément ce livre est un immense coup de cœur.




Frank Conroy/Folio/680 pages

3ème livre du challenge Partage -lecture
Summer PAL-Challenge: il reste 43 livres.................

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire